À la base, je voulais te mettre une chouette photo de moi avec le bonnet rouge et les guirlandes autour du cou qui vont bien. Mais j’ai chopé c’te semaine une vieille rhino qui a quelque peu entamé ma sexyness habituelle. Je n’allais quand même pas me présenter à toi avec le nez rouge, la bouillotte et mes quintuples couches de pulls en laine, cela n’aurait pas fait une mère Noël très glamour 🙂 . Or donc, j’ai choisi l’image ci-dessus qui, même si elle ne me met pas en scène, est une bien belle photo de Noël.
Je connais beaucoup de gens qui décrient cette fête de Noël et la jugent aujourd’hui dévoyée, écœurante d’hypocrisie philanthrope et transpirant la débauche consumériste. On peut effectivement la voir comme ça. Mais c’est un jugement que je trouve réducteur autant que déprimant. Évidemment, si l’on n’a personne avec qui fêter Noël ou si l’on s’entend mal avec sa famille, je comprends que l’overdose de paillettes et la frénésie noëlliennes donnent la nausée.
Moi, je suis de ceux qui aiment Noël, sans doute parce que mon enfance agrippe de merveilleux souvenirs liés à cette date. Dans ma mémoire, bruissent encore des réveillons rieurs, des feux de cheminée, une maison enneigée, un sapin s’étirant royalement jusqu’au plafond du grand salon, des visages égayés par le champagne, des paquets multicolores, des gosses tout excités (dont je fais partie 🙂 ), le son de musiques carillonnées, un doux fumet de plat qui mijote, des voix tapageuses et gaies qui résonnent jusqu’au grenier, une table déjà mise recouverte de bougies et qui promet des discours enfiévrés… Ces souvenirs ressemblent à un Martine fête Noël : ils dispensent leurs couleurs pastels et leur bonheur passé jusqu’à me rendre nostalgique ; mais ils nourrissent aussi tellement mon identité et mon histoire que la reconnaissance finit toujours par l’emporter sur la mélancolie.
Peut-être aussi aimé-je Noël parce que j’ai la chance d’avoir un chéri et une famille formidables avec qui j’ai plaisir à festoyer et à échanger des cadeaux. C’est comme ça que je conçois cet événement. Un moment de partage, où l’on dit à l’autre : « Je suis content d’être avec toi, je pense à toi, je te connais, je t’apprécie. Et c’est la raison pour laquelle je t’offre ce présent, que j’ai choisi pour toi ». Je me refuse à considérer l’achat de cadeaux comme une corvée à laquelle se soumettre en traînant des pieds. Parce que j’aime l’idée que les êtres présents ce soir-là vont être gâtés, et pas seulement les enfants. D’accord c’est un budget. Mais au fond, ça, c’est un faux problème. Un cadeau n’a pas à être onéreux pour être magnifique. Il m’est souvent arrivé d’être bien plus comblée par un petit cadeau artisanal que l’on m’avait fait avec le cœur et qui m’était destiné à moi, spécifiquement, que par un objet clinquant que l’on m’offrait sans véritable intention personnelle.
Voilà pourquoi j’aime le retour, chaque année, du 24 décembre. C’est l’occasion de me demander : « Comment puis-je faire à papa, à maman, à papi, à mamie, à tatie, à chéri, le cadeau qui leur exprimera que j’ai vraiment voulu leur faire plaisir, en fonction de ce que je sais d’eux, de leurs personnalité, de leurs goûts ? ». C’est un petit challenge que je prise infiniment.
En fait, j’aime tous les rituels de Noël. Celui des cadeaux, celui du festin, celui des chants Tino rossiens, celui du sapin et des décos, celui de la crèche aussi. Cette année, comme tous les ans, à côté de l’arbre enguirlandé, j’en ai installé une. Suis-je chrétienne ? De par ma branche maternelle oui, mais religieusement, non. Crois-je en l’existence du petit Jésus ? En tant que fils de Dieu, non, franchement non. Mais en tant qu’apôtre d’amour et transmetteur de message humaniste, oui, je crois en lui. D’où cette tradition de la crèche que je respecte et perpétue. Il y a dans ce symbole des éléments qui me sont chers : les hommes réunis, les cœurs éclairés, les animaux honorés et sereins, la chaleur féminine, la bienveillance masculine, la bonne étoile, le rassemblement. Et puis la naissance, surtout la naissance. Pas seulement la naissance du bébé divin, toutes les formes de naissance, voire de renaissance. Ce thème est, ô combien, enchevêtré à l’imagerie de Noël. Et je suis très férue de cette symbolique de la mise au monde. Dans mon cas, je sais qu’elle ne passe pas par la procréation maternelle (puisque je n’ai pas d’enfants) ; elle passe par la création de mots, de livres, d’œuvres. Mais d’une manière générale, j’aime cette symbolique maïeutique. Naissance de ce que l’on porte en soi. Naissance (ou renaissance) de soi. Naissance aussi d’un nouveau monde commençant par soi.
Jacques Brel, à qui on demandait s’il aimait Noël, répondit que c’était effectivement le cas, tout aspect religieux mis à part. Il trouvait que Noël était une fête d’amour et que si les hommes étaient un peu plus dégourdis, ça pourrait être Noël tous les jours. Je suis d’accord avec lui (d’ailleurs, peut-il être un sujet sur lequel je me permette de n’être pas d’accord avec Brel 🙂 ?).
Noël pourrait se vivre au quotidien. Mais il faut s’en donner la peine.
Et j’en arrive à l’une des plus belles chansons de Noël qui soient : Happy Xmas (war is over) de John Lennon. Dans laquelle il nous souhaite un joyeux Noël. Et nous promet aussi que la guerre est finie, à condition que nous le voulions (« War is over, il you want it »). Autrement dit, la naissance du monde que nous souhaitons, elle est entre nos mains. Certes, il ne suffit pas toujours de vouloir. Mais vouloir est la première étape indispensable pour initier le changement, quel qu’il soit.
Et c’est sur cette idée du potentiel pacifique qui sommeille entre nos mains qu’il ne tient qu’à nous de toujours favoriser et faire jaillir, seule arme que nous ayons pour lutter contre le fanatisme, la corruption et l’inhumanité qui nous entourent, que je te souhaite un joyeux Noël. Qu’il te soit doux et apaisant.
Je t’embrasse.
A reblogué ceci sur bertrandgaspel.
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