MES HÉROS !

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Tu sais, je vais avoir 40 ans cette semaine. Âge important s’il en est, qui me donne envie de réfléchir à ce grâce à quoi je me suis construite pour devenir la quadragénaire que je serai bientôt.

Comme tu l’auras compris, ma construction à moi s’est faite en grande partie grâce aux livres, aux films et aux héros que j’ai « rencontrés » lorsque j’étais enfant. J’étais fille unique, et l’absence de frère ou de sœur, je l’ai compensée en rendant d’autant plus présentes à mes côtés les figures prodigieuses que je trouvais dans mes lectures ou dans la vidéothèque parentale. Héros et héroïnes ont peuplé mes heures esseulées. Et à force de les « fréquenter », j’ai eu l’ambition d’être aussi héroïque qu’eux, aussi charismatique. Je voulais me hisser à leur niveau, prendre place parmi eux.

Savoir si j’y suis parvenue n’est pas le point important. D’autant plus que je ne suis pas sûre que les êtres que je m’étais choisis pour modèles soient égalables. Ni qu’une petite poulette comme moi puisse seulement leur caresser la cheville (soit dit sans fausse modestie car, tu me connais, je suis tout sauf modeste !). L’histoire, c’est qu’à force de les admirer, de les scruter, d’étudier leur vie et leur personnalité, j’ai fini par ingérer des petits morceaux d’eux. Comme s’ils avaient, en quelque sorte, déteint sur moi. Avec tous ces « bouts » de héros et d’héroïnes, j’ai cousu un patchwork qui est devenu ma propre personnalité.

Je leur dois donc beaucoup.

Et aujourd’hui, je veux te parler de ces héros bâtisseurs qui m’ont modelée. Je ne parlerai ici que des hommes – les héroïnes viendront peut-être plus tard.

Parce qu’ils sont des artistes géniaux, exceptionnels, atypiques, attachants ou exemplaires, j’ai d’abord envie de te citer : Gene Kelly, Fred Astaire, Charlie Chaplin, Mozart, Vincent Van Gogh, Elvis Presley, Freddy Mercury, les Marx Brothers, Luis Mariano, Joe Dassin, Michel Sardou, Serge Gainsbourg, Hubert-Félix Thiéfaine, Jean-Pierre Léaud, Steve McQueen, Eddie Redmayne. Certains m’accompagnent depuis que je suis gamine, d’autres sont arrivés plus tard dans ma vie. Pour moi, ce sont tous d’immenses bonhommes qui ont apporté quelque chose de GRAND à leur art et quelque chose de non moins GRAND à ma propre vie. Leurs films, leurs chansons, leurs toiles ou leur musique m’inspirent et me boostent, me réjouissent et me consolent. I just love them !

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Et puis, il y a aussi, et surtout, mes « super-héros ». Ceux avec qui j’ai noué un lien particulier, ceux qui ont véritablement agi sur ma destinée. Ils ont été mes maîtres, mes guides, mes coachs. Je me retrouve en eux autant que je les retrouve aujourd’hui en moi. (Oui je sais, c’est très outrecuidant de dire cela. Et ça prouve bien que modeste, point je ne suis 🙂 .) Ils ont été – et sont encore souvent – mes professeurs.

Peter Pan : 13445470_10201829931786360_2806782255148751974_nC’est le héros de mon enfance. Qui m’a enseigné à ne pas grandir tout à fait et à considérer comme toujours possible l’envol vers le pays de l’Imaginaire (et note bien que je ne dis pas le Pays Imaginaire 🙂 ). Je lui dois sans doute la méfiance que j’ai par rapport aux adultes et l’envie qui est mienne de toujours conserver mon enthousiasme et mes émerveillements d’enfant.

La Bête : 18825970Pour moi, elle ne peut qu’avoir les traits de celle créée par Jean Cocteau et interprétée par Jean Marais. La Bête a été ma compagne de fin d’enfance. J’ai projeté en elle toutes mes souffrances, tous mes complexes, toutes les difficultés que j’avais à incarner mon corps qui, à cause d’un surpoids ayant assailli mes contours à la puberté, me paraissait être devenu monstrueux. Du coup, ce personnage de créature ravagée, mal dans sa peau, isolée dans son château, aux manières abruptes et aux mains fumantes, me parlait beaucoup plus que celui de la douce et ravissante Belle. La Bête m’a appris la noblesse que l’on peut conserver même dans la souffrance la plus animale.

Cyrano de Bergerac : 816_001-2Je ne parle pas du vrai, je parle de celui de Rostand. J’ai lu la pièce quand je devais avoir 8 ans. Et mes parents m’ont emmenée voir Jacques Weber qui jouait Cyrano dans la version de Savary à Mogador. Coup de foudre immédiat. Cyrano arrivait à point nommé pour succéder à la Bête. Ils avaient les mêmes complexes et la même apparence disgracieuse. Mais tandis que la Bête ne trouvait d’autre option que de se terrer au fond des bois, Cyrano lui, en faisait des tonnes, déclamait ses tirades, se battait en duel, clouait le bec aux marquis. Il bondissait, vociférait, épée au poing et verbe en bouche. Ce qu’il m’a appris ? Le goût du panache, avant tout. Il m’a appris à me soucier de la noblesse de mes actes et de mes attitudes. Enseignement que je continue d’appliquer…

93y52bxufoSacha Guitry : Mon père avait tous ses films en Betamax. C’est comme ça que j’ai découvert cet auteur-acteur-réalisateur. Je l’ai ensuite lu intégralement. Passant outre les accusations de misogynie, de misanthropie et de collaboration dont il fut victime – et que je crois infondées – j’ai développé un attachement indéfectible pour Sacha. Il représente pour moi l’esprit à la française, l’élégance, le raffinement. Je lui dois sans aucun doute mon goût des mots et de la juste chorégraphie des phrases. Et puis j’aime sa voix, si unique, qui me manque lorsque je ne l’entends pas pendant un trop long temps…

Louis XIV : photoJe le place après Guitry car c’est à cause de Sacha que j’aime Louis. Jeune, j’ai vu et revu Si Versailles m’était conté, mis en scène par Guitry en 1954, dans lequel il incarne un Louis XIV vieillissant, tout plein d’auguste et d’imposante majesté. Cette présentation que Sacha, dans ce film, faisait du Roi-Soleil me le rendit fascinant. (C’est aussi ce long-métrage qui est à l’origine de mon adoration de la période versaillaise de l’histoire de France.) J’ai trouvé en Louis XIV une mégalomanie et un besoin de prestige personnel qui m’ont aidée à soigner la détestation que j’avais de moi-même durant mon adolescence. Et aujourd’hui, je me reconnais dans ce désir de se mettre en scène, et dans cette obsession à ne montrer de soi qu’une image grandiose et solaire.

7988ab0ea27ba07a69e4373f271bb6caSherlock Holmes : L’un des héros de mon papa. J’ai lu toutes les nouvelles de Conan Doyle étant petite. Mais, à vrai dire, seul leur aspect policier m’intéressait alors. Sherlock en tant que tel n’est entré dans mes cellules que plus tard, vers la fin de mon adolescence. Au-delà de son identité de détective surdoué, sa personnalité m’est apparue, dans toute sa psychorigidité, dans toute son asociabilité, dans toute son effervescence intellectuelle, et elle m’a emballée. Je me suis reconnue dans son besoin de stimulation cérébrale permanente et dans son incapacité à se soumettre aux codes établis. Sa façon de raisonner m’a enseigné à garder mon esprit froid et rationnel et à ne pas laisser l’émotion l’emporter sur la logique. Toutes choses que la jeune femme tyrannisée par son cœur que j’étais, avait bien besoin d’apprendre.

Rudolf Noureev : 4901785_11-1-1270432958Décidément, que ne dois-je à la vidéothèque de mes parents ! Ils possédaient une version du Lac des Cygnes de Tchaïkoski, avec Noureev et Margot Fonteyn. J’étais très impressionnée par la séquence finale où Rudolf se noie dans les eaux du lac. Vers l’âge de 25 ans, j’ai commencé à m’intéresser au parcours de ce danseur incroyable. J’ai aimé sa rigueur, sa discipline corporelle, son exigence artistique, son inacceptation des compromis, sa technicité implacable. C’est à lui que je pense à chaque fois que je dois faire ma gym. Lorsque je me sens paresseuse et plus prompte à m’avachir sur le canap’ qu’à enfiler ma tenue de sport, j’imagine Rudolf devant moi fronçant les sourcils et m’exhortant, d’un geste péremptoire, à délier mon corps. Et je file me changer 🙂 .

bureau-3-2Claude François : Comme pour tout le monde, les chansons mythiques de Cloclo ont rythmé nombre de mes soirées festives. Mais, pendant longtemps, ce chanteur ne m’a pas été sympathique. Je le trouvais arrogant, colérique, désagréable – ce qu’il était sûrement. Et puis, lors de la sortie du film Cloclo, en 2012, j’ai vu une émission qui lui était consacrée. J’ai mieux compris la rage qui animait le bonhomme. Et cette volonté de réussir qui était sienne m’a plu. Mieux, elle m’a galvanisée à un moment où, dans ma propre carrière, j’avais besoin de faire montre de détermination et d’énergie électrique dans la concrétisation de mes projets. Depuis, je me tourne vers Cloclo à chaque fois que j’ai besoin de me reconnecter à la fureur de vaincre.

Walt Disney : annex-disney-walt_02Ah, bon papa Walt ! Que voici un homme qui a été de toutes les étapes de ma vie ! Et combien je l’admire ! Il a su créer un empire basé sur le rêve, l’imaginaire, la magie des contes, les valeurs de famille, amour, travail, amitié, solidarité. Ne se contentant jamais de reproduire un succès, il n’avait de cesse que d’aller voir plus loin, plus haut, d’innover encore. L’expansion était sa seule règle. Il a toujours voulu conquérir de nouveaux territoires, essayer de nouvelles choses, avancer toujours plus vers l’infini. Et tous les mauvais aspects du personnage sont largement gommés par ce qu’il a laissé en héritage : la capacité de faire rêver toutes les générations et de transformer un simple nom en synonyme de « magie ». À un niveau personnel, Disney m’a donc appris à ne pas me contenter de faire ce que je sais bien faire, mais à chercher toujours de nouvelles aventures à tenter et de nouveaux Ouests à conquérir.

Et puis le voilà, mon héros suprême, celui dont je me sens le plus proche, celui qui dicte ma conduite quasiment en tous domaines…

yujfdjeJacques Brel : J’ai 15 ans. Je connais, pour les avoir entendues moult fois sur la platine de mes parents, les chansons de Brel. Mais de l’individu, je ne sais pas grand-chose. Par hasard, je tombe sur une émission diffusée sur Arte. Elle mêle chansons célèbres et longues interviews de l’artiste. Je peux dire aujourd’hui que ce visionnage a changé ma vie – et je pèse réellement mes mots. Jusqu’à Brel, ma vision de la vie était une vision apeurée, contemplative, faite de rêveries et d’évasions par les livres ou les films. Et puis Brel. Cet homme soudain vient me secouer, me presse de suivre l’étoile, de partir en quête, de vivre debout et non pas affaissée telle un poulpe. Il me somme de me rendre responsable de mon destin, de me montrer digne de mes rêves et de les réaliser. Il m’initie aussi à Don Quichotte (autre illuminé chevaleresque à qui Brel voue un culte, qui, dès lors, devient un jumeau d’âme pour moi). Suivant leurs pas à tous deux, je m’aguerris, je m’anoblis, je me métamorphose en amazone poursuivant inlassablement un superbe Graal. Brel est sans cesse avec moi. J’aime encore plus l’homme que l’artiste (ce qui est fort rare). Souvent je lui demande conseil. Et sous son égide, je sais que je me garderai, toute ma vie durant, de la paresse, de la résignation, du renoncement, de la compromission et de l’immobilité.

Tous ces héros sont dans ma vie. Je reviens souvent à eux. Et plus je les connais, plus je les découvre. Plus ils continuent donc de m’accompagner. Je leur rends ici un hommage minuscule qui n’est que l’expression de la reconnaissance qu’ils m’inspirent pour tout ce qu’ils m’ont prodigué.

Et toi, quels sont tes héros ? Que t’ont-ils apporté dans la vie ?

Je t’embrasse.

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