
Je me rends compte que je ne publie pas beaucoup ces derniers temps et je m’en veux un peu vis-à-vis de vous, mes lecteurs, qui me suivez avec tellement de fidélité et de gentillesse. Car j’adore être en contact et en échanges avec vous. C’est une source de joie et d’inspiration.
Pour autant, je ne sais pas vous, mais je reconnais que pour moi les réseaux sociaux perdent de plus en plus de leur attrait. Je me sens de moins en moins le goût de tout partager, tout mettre en scène pour convenir aux formats Insta ou Facebook. Je me lasse. Ça vous le fait aussi ?
Être créatrice de contenu, je veux bien, mais en réalité, c’est déjà mon métier. Je suis créatrice de contenu… de livres ! Parfois des romans, parfois des contes, parfois des livrets de tarots. Mais des livres quoi qu’il en soit !
Je passe mes journées à écrire, créer, concevoir. Aussi une fois ma journée finie, il est, je l’avoue, fastideux pour moi d’avoir à recommencer à proposer du contenu créatif… pour les RS ! Attention, c’est pas pour me plaindre que je vous dis ça, c’est juste pour vous expliquer pourquoi, hors de la joie spontanée des moments de promo autour de la sortie de mes œuvres, j’ai un peu la flemme de publier sur mes comptes sociaux, y compris sur mon blog. D’autant que c’est un art de savoir publier brillamment et avec efficacité. Mais un art que je n’ai pas envie apprendre. Alors je me contente d’y aller au feeling et de revenir pointer mon nez quand une idée de post ou d’article me botte vraiment. Et justement, hier, j’ai abordé, lors d’une conversation, une thématique que j’ai envie de partager avec vous.
Je discutais avec ma mère du fait que ma créativité quotidienne, qui est à la fois ma passion, ma vocation et mon occupation principale, m’absorbe tellement que je deviens un peu comme une droguée.
Je m’explique. Les heures que je passe à créer, à inventer des concepts, à peaufiner des idées, à ciseler des textes, sont incroyablement stimulantes. Elles sont comme une fusée qui m’emmène direct dans les plus hautes sphères de la pensée fertile. Mais des sphères tellement hautes, justement, que lorsque j’en redescends, lorsque je reviens dans le « réel », les contours du monde me semblent… insipides. Je me file de telles doses de boost au niveau intellectuel que, une fois revenue au sol, je me sens en manque. Et l’ennui s’insinue alors partout : dans mes échanges avec les autres, dans mes relations, dans les situations que je vis.
(Mais ne vous méprenez pas sur ce que je dis : ce n’est pas ma création à moi – que je jugerais génialissime et supérieure à n’importe quelle interaction avec mes contemporains – à laquelle que je suis accro, c’est à l’acte de créer. C’est lui qui m’envoie au-delà de la lune.)
Ma mère s’est alors exclamée : « Tu sais à qui tu me fais penser ? À Sacha Guitry ! Il ne vivait que par et pour son art, le théâtre ! Il lui consacrait tout son temps et aucun ami, aucune femme, aucun loisir ne pouvait rivaliser avec cette passion dévorante ! ».
Sacha Guitry, merci du compliment, petite maman !
Car Guitry fait partie de mes héros les plus fétiches, les plus proches, les plus intimes, avec Brel, Disney et Cyrano. Oser m’attribuer un point commun avec ce grand homme, c’est me faire grand honneur.
Guitry, je l’aime, je le vénère. Je le défends quand on l’attaque. Quand on le traite de misogyne, de collabo. Je sais que c’est faux, dans l’un et l’autre cas. Je monte au créneau et j’avance tous mes arguments de grande fan pour me faire son avocate légitime.
Quand je me tiens éloignée de sa plume trop longtemps, elle me manque et j’ai besoin d’y revenir. J’ai d’ailleurs choisi le titre de cet article en référence au trait d’esprit qu’il utilisait souvent lorsqu’on lui demandait : « Quoi de neuf ? ». Il répondait : « Molière ! », car il était un adorateur du grand dramaturge. (En passant, et juste pour la petite histoire, Molière et Guitry sont les deux seuls auteurs dont j’ai dévoré toute l’œuvre : j’ai lu tout ce qu’ils ont écrit, absolument tout !)
Du coup, pour moi aussi, ce qu’il y a de neuf, c’est souvent Guitry. Oh je sais bien que les plus jeunes vont me rétorquer : « Guitry ? Mais c’est vieux, c’est pas ma génération, pas mon époque ! ». Ouais, ben, mes p’tits cocos, vous ne savez pas de quoi vous vous privez ! Guitry, c’est l’esprit à la française, c’est le charme, la finesse, l’épicurisme, le libertinage aussi. C’est la légèreté, la joie de vivre, l’anti-dramatisation. Avec Sacha, on peut prendre la vie par son côté soleil, se réjouir de tout, tenir au loin la tristesse, la lourdeur, le plombé. Plutôt bien comme programme, non ?
Mais je digresse.
Il se pourrait donc que je me dévoue à ma création comme le faisait Sacha. Eh bien soit, j’en accepte l’augure (surtout si je finis avec le même succès que lui !).
Néanmoins, je reconnais volontiers qu’il y a là un vrai écueil, que doivent d’ailleurs rencontrer tous les artistes. La création est un acte tellement enrichissant, galvanisant, transcendant, qu’elle met K.O., par comparaison, les propositions de la simple réalité.
Comment faire avec ça ? Bah déjà, nous devons, nous, les artistes, prendre conscience qu’il peut y avoir un phénomène d’addiction à l’action de mise au monde (quoique ce soit une addiction plutôt tendre, on reste sur de la drogue douce, là !). Et puis aussi, puisque justement on est artistes, nous devons veiller à savoir aussi créer notre vie, et pas seulement notre œuvre, savoir y insuffler du Beau, de la nouveauté, de l’originalité et une pointe de fantaisie !
Je vais, quant à moi, tâcher de me le tenir pour dit parce que, voyez-vous, moi, non seulement je ne veux pas passer à côté de ma vie privée, mais en outre, j’attends tout de l’existence ! Je veux qu’elle « m’extasie » en tous domaines ! Et donc, les sommets que j’atteins en créant, je veux aussi les atteindre… en vivant ! Je me fais la promesse de m’y atteler dorénavant ! (Et de cette promesse, en plus, vous êtes témoins ! Comme ça vous pourrez me rappeler à l’ordre si d’aventure, je m’enferme trop dans ma tour d’ivoire d’auteur féconde !)
Je vous embrasse.
